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Global Columns

L'après-Chavez et le difficile avenir du Venezuela (Is a copy of Qu'adviendra-t-il du Venezuela)

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

Le président vénézuélien Hugo Chavez est décédé ce mardi 5 mars des suites d'un cancer. Il avait 58 ans. Nous sortons de nos archives un article récent de Moisés Naím, initialement publié début janvier 2013, sur l'avenir du pays et les enjeux qui attendent désormais le successeur de Chavez.

***

Jorge Botti, le président de l’organisation patronale vénézuélienne (Fedecamaras), a prédit que si le gouvernement ne débloquait pas plus de dollars pour financer les importations, il y aurait une grave pénurie de produits de première nécessité. Ce à quoi le vice-président Nicolas Maduro a répliqué:

«Nous n’allons pas donner plus de dollars à Fedecamaras, mais plus de douleurs au crâne.»

Le dauphin officiel d’Hugo Chavez n’a pas tort: le gouvernement vénézuélien va donner du fil à retordre aux entreprises privées. Mais elles s’en sortiront bien mieux que les particuliers, et notamment les plus démunis. Chavez laisse à son successeur un Venezuela plongé dans une crise économique de grande ampleur [PDF].

La communauté internationale associe l’incertitude politique du Venezuela principalement à la maladie du président Chavez, [qui ne pourra pas prêter serment jeudi 10 janvier, comme c'était initialement prévu, NdT), alors que c’est la crise économique qui va façonner l’avenir proche du pays, y compris sur le plan politique.

Une crise profonde

Les déséquilibres économiques sont légion. Le Venezuela accuse un déficit budgétaire de l’ordre de 20% du PIB (à titre comparatif, il est de 7% du PIB aux Etats-Unis). S’agissant du marché des devises, un dollar acheté dans la rue coûte quatre fois plus cher qu’un dollar vendu au taux officiel établi par le gouvernement. Une dévaluation de la monnaie est donc inéluctable, de sorte que le taux d’inflation qui se prépare sera encore supérieur à celui qui prévaut actuellement (et c’est déjà l’un des plus élevés au monde!).

Le niveau de l’emploi a artificiellement gonflé, en raison d’un très fort accroissement du fonctionnariat. Par ailleurs, les engagements du gouvernement en matière d’obligations du travail engendrent d’importants conflits avec les syndicats.

Depuis 2003, la dette extérieure a été multipliée par dix dans ce pays où le système bancaire est extrêmement fragile et dont la capacité de production –y compris celle du secteur pétrolier– est radicalement diminuée.

Il est rare que des pays exportateurs de pétrole souffrent d’une crise économique due à un manque de devises fortes. Le gouvernement de Chavez s’est pourtant débrouillé pour se retrouver à court de dollars ou d’euros, et ce alors même qu’il a bénéficié des prix élevés du pétrole durant plus d’une décennie et d’une très grande capacité d’endettement, grâce aux forts taux d’intérêt qu’il est disposé à payer.

Où se trouve l’argent?

Il n’y a rien à faire, l’argent manque. Des dépenses de consommation effrénées ont fait exploser le budget du pays, en même temps que la mauvaise gestion de l’économie et l’insuffisance des investissements dans la production pétrolière ont réduit les recettes d’exportation.

Si les ventes de pétrole du Venezuela ne génèrent plus autant de revenus, c’est aussi pour d’autres raisons. Les Vénézuéliens consomment beaucoup d’essence, ce qui absorbe une bonne part de la production pétrolière (sur le territoire vénézuélien, un plein de carburant de 50 litres coûte moins d'un euro). Une autre partie de la production pétrolière est destinée à Cuba et à d’autres alliés de Chavez, qui bénéficient de tarifs hautement subventionnés et de crédits. En fait, nombre de ces créances ne sont jamais recouvrées.

C’est aussi la Chine qui profite du pétrole vénézuélien. Elle a réglé d’avance d’immenses quantités de brut et a d’ailleurs bénéficié d’importantes remises sur volume. Le gouvernement de Chavez, lui, a déjà encaissé et dépensé cet argent, mais il lui faut maintenant honorer le contrat conclu avec Pékin, dont il ne recevra plus aucun paiement.

Enfin, l’essentiel du pétrole restant destiné à une exportation au prix du marché –et qui génèrera des rentrées d’argent– est vendu au pays qui est à la fois le meilleur client du Venezuela et le pire ennemi de Chavez: les Etats-Unis. Cependant, ayant atteint à un moment donné leur pic, les importations américaines de pétrole vénézuélien sont tombées au plus bas depuis 30 ans. Et comme si cela ne suffisait pas, une explosion dans la plus grande raffinerie du Venezuela oblige le pays à importer de l’essence. Selon un article du Financial Times, pour 10 barils vendus aux Etats-Unis, le Venezuela doit importer (à un tarif plus élevé) deux barils de pétrole raffiné à l’étranger.

Caracas, mauvais élève

Cette baisse des recettes intervient alors que le montant total des importations du pays est passé de 13 milliards de dollars en 2003 à plus de 50 milliards de dollars aujourd’hui. Pour pouvoir payer ces importations et les taux d’intérêts stratosphériques de la dette, il faudra plus de devises que ce que génère actuellement l’économie.

A tout cela, s’ajoute le fait que le Venezuela d’Hugo Chavez figure parmi les derniers du classement par la Banque mondiale des pays selon la compétitivité, la facilité de faire des affaires ou l’attraction d’IDE (investissement direct étranger). Il est en revanche champion en matière de taux de criminalité et de corruption au sommet de l’Etat.

Nicolas Maduro a mis dans le mille: on peut s’attendre à de terribles «maux de tête» au Venezuela. Il lui incombera alors d’expliquer à ses concitoyens pourquoi ils vivaient mieux sous la présidence de Chavez!