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Global Columns

La gaffe afghane

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

Une gaffe, notamment dans un contexte politique, est un acte ou une parole particulièrement inadaptés à une situation. Mon ami chroniqueur Michael Kinsley (fondateur de Slate.com) a inventé une nouvelle catégorie: les gaffes de Washington. Selon lui, il y a gaffe quand un homme ou une femme de pouvoir lâche une ou plusieurs vérités en public. Des vérités qui, d'ordinaire, sont tues, car elles pourraient nuire à sa carrière. Naturellement, cela se produit dans tous les pays. Plus d'un politique a ruiné sa carrière pour avoir exprimé par inadvertance sa véritable opinion.

C'est ce qui est arrivé à Stanley McChrystal, le chef militaire de l'OTAN en Afghanistan. Le général McChrystal s'est livré à une forme tellement extrême de cette conduite qu'il mérite qu'on lui réserve une catégorie à part entière: la gaffe afghane.

Des propos extrêmement méprisants

Comme on le sait, McChrystal a invité un journaliste du magazine Rolling Stone (oui, oui, Rolling Stone, ce magazine avec en couverture Lady Gaga en bikini armée d'une mitraillette) à passer de longues semaines avec lui et ses principaux officiers. Le journaliste, Michael Hastings, l'a donc accompagné dans des zones de combat, dans des réunions de commandement des opérations et même lors d'un voyage à Paris.

McChrystal a parlé sans ambages à ses proches: «Je préfèrerais me faire botter le cul par une salle entière de gens plutôt que d'aller à ce dîner». Mais le mépris de McChrystal ne se limite pas aux Français. Savez-vous ce qu'il pense de son commandant en chef [Barack Obama]? Quand il s'est réuni avec le haut commandement militaire à son arrivée à la Maison Blanche, Obama était «mal à l'aise et intimidé par les généraux», nous dit McChrystal. Le vice-président, Joe Biden: «C'est qui ç'ui-là», lance McChrystal en riant aux éclats. Et «qui est Richard Holbrooke, l'envoyé spécial américain pour l'Afghanistan et le Pakistan, dont l'arrogance et la maladresse sont légendaires?».

Un conseiller de McChrystal rapporte que ce dernier a comparé Richard Holbrooke à un animal blessé: «(...) Les rumeurs selon lesquelles il va se faire virer le rendent très dangereux. Mais il ne va pas partir, parce que la Maison Blanche redoute plus que tout un bouquin où Holbrooke déballerait tout; elle préfère supporter ses constants faux pas.» En fait, l'équipe de McChrystal  («(...) un groupe trié sur le volet qui comprend des assassins, des espions, des génies, des patriotes, des politiques et des maniaques (...)» [citation du reportage de Michael Hastings]) n'est pas en reste s'agissant de sa franchise brutale devant le journaliste qui l'accompagne. Le chef du Conseil national de sécurité, le général Jim Jones, c'est un «clown». Les sénateurs John Kerry et John McCain? «Ils apparaissent, assistent à une réunion avec Karzaï, font une déclaration à l'aéroport et rentrent aussitôt chez eux pour regarder la télévision.»

McChrystal tombé en disgrâce

Ce reportage entrera dans l'histoire. Non pas pour la gaffe commise, mais parce qu'il illustre - et nous sommes en face d'un exemple extrême - comment certaines décisions reviennent à commettre un suicide professionnel. En le lisant, l'amiral Mike McMullen, le plus haut chef militaire américain en a été malade. C'est ce qu'il a confié au Washington Post«Quand j'ai lu ce reportage, je me suis senti mal physiquement, vraiment. Je n'en croyais pas mes yeux».

Le général McChrystal a non seulement perdu son job, mais il a ruiné sa carrière. Il est probable que même lui ne comprenne pas bien les raisons qui l'ont poussé à croire que se livrer à toutes sortes d'indiscrétions face à un reporter de Rolling Stone n'était pas une mauvaise chose. Bientôt, on aura droit à une avalanche de spéculations sur les facteurs phycologiques qui expliquent son comportement.

Encore deux vérités (sans gaffe)

Au-delà du tapage et du sensationnalisme de cette affaire, ce reportage met en lumière deux vérités. Les Etats-Unis ont beau se plaindre des défaillances du gouvernement d'Hamid Karzaï et de ses effets négatifs sur la guerre, en ce qui concerne l'Afghanistan, Washington présente autant de faiblesses que Kaboul. Les querelles, divergences de points de vue et autres hostilités entre les membres de l'armée américaine et les responsables civils impliqués dans la guerre sont notoires. Et, à bien des égards, McChrystal est une des victimes de ses divisions.

En second lieu, on peut dire que les discordes à Washington ne sont pas uniquement le produit de rivalités et de jalousies personnelles. Il règne à la Maison Blanche une grande confusion sur plusieurs aspects de la guerre d'Afghanistan. Quelle mission: «contre-insurrection» ou «contre-terrorisme»? Quelle stratégie: pacifier l'ennemi en l'arrosant ou l'achever par les armes? Quels alliés: Karzaï? Le Pakistan? Et surtout, combien de temps, de vies et d'argent les Etats-Unis et leurs alliés sont-ils prêts à sacrifier pour cette expédition?

La seule consolation qui puisse éventuellement rester à McChrystal est que son suicide professionnel pourrait obliger Obama à répondre à ces questions.