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Global Columns

La fin de la crise, c’est pour quand?

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

Chômage, salaires gelés ou en baisse, gouvernements contraints d’opérer des coupes budgétaires, de réduire l’importance des services publics et de repousser d’autres programmes sociaux… Jusqu’à quand?! Telle est la question que se posent des millions d’hommes et de femmes directement touchés par le ralentissement économique, du Canada à l’Indonésie, en passant par l’Italie, la Russie, la Chine et le Brésil.

La réponse dépend naturellement du diagnostic que l’on pose sur les causes de cette récession mondiale. Quatre analyses dominent le débat entre économistes.

Fin du supercycle des «commodities»

La première souligne la fin du «supercycle des matières premières», ou plus précisément des «commodities». Au début du XXIe siècle, les cours des métaux, des hydrocarbures, des produits agricoles et, de façon générale, de toutes les matières premières ont flambé. Entre 2000 et 2010, leur prix moyen a doublé (alors que, au cours du XXe siècle, ils n’avaient cessé de baisser en moyenne de 0,5% par an).

La croissance de l’économie mondiale, soutenue notamment par le dynamisme sans égal de l’Asie, menée par la Chine, a engendré une forte demande de ces produits, faisant ainsi exploser leur prix. Mais, depuis 2011, cette tendance s’est inversée: les cours des matières premières ont baissé de 40%, ce qui a frappé de plein fouet la croissance des pays exportateurs, qui avait très largement bénéficié des prix élevés de la période précédente…

Mais alors, pourquoi des États comme la Chine ou le Japon, ou des pays européens, dont l’économie ne dépend pas des exportations de matières premières, sont-ils également en mauvaise posture?

La locomotive chinoise peine

Une deuxième interprétation met la Chine en cause. Le géant asiatique a été la principale locomotive (et parfois la seule) à tracter le reste des économies du monde. Pendant la crise économique de 2008, lorsque les économies européenne et américaine se sont effondrées, Pékin a lancé un programme d’expansion économique très agressif. Le gouvernement chinois a augmenté les dépenses publiques et les liquidités monétaires, il a ouvert les vannes du crédit, stimulé les investissements et pris de multiples mesures qui ont permis de maintenir la progression économique chinoise et sa capacité à porter l’économie mondiale.

Voici un exemple très éloquent de la portée du dynamisme chinois: entre 2010 et 2013, la quantité de béton utilisée en Chine dans les projets de BTP a dépassé celle des États-Unis pendant le XXe siècle entier!

Une période prolongée au cours de laquelle des pays, des entreprises et des particuliers se sont trop endettés est inévitablement suivie d’une étape de «gueule de bois»

Mais cette expansion ne s’est pas avérée durable et on note des signes préoccupants quant à la santé économique de la Chine. Si les plus pessimistes pensent que la locomotive chinoise a déraillé, d’autres estiment qu’il s’agit seulement d’un ralentissement provisoire. Dans un cas comme dans l’autre, l’économie mondiale ne compte plus sur la Chine pour être le premier importateur de matières premières, ni pour servir de source de financement au reste du monde.

La faute à la dette

En tout état de cause, le ralentissement chinois n’explique pas l’anémie économique de l’Europe et des autres pays développés. L’économiste Kenneth Rogoff attribue cette fragilité à ce qu’il appelle la «fin du supercycle de la dette». Selon Rogoff, une période prolongée au cours de laquelle des pays, des entreprises et des particuliers se sont trop endettés est inévitablement suivie d’une étape de «gueule de bois», qui oblige les débiteurs à réduire l’ampleur des dettes qu’ils ont accumulées.

Devoir allouer des ressources au remboursement de leur dette limite de toute évidence leurs possibilités de consommation et d’investissement qui pourraient contribuer à la croissance. De ce point de vue, en faisant baisser l’endettement des économies, on favorise une relance de la croissance.

«Stagnation séculaire»

Le très respecté Larry Summers (ancien conseiller économique d’Obama, ndlr) n’est pas du même avis. Il reconnaît certes que l’endettement peut inhiber la croissance, mais beaucoup moins que la «stagnation séculaire» (c’est-à-dire de longue durée, ndt), à son sens la plus grave menace qui pèse sur l’économie mondiale. Cette maladie économique se caractérise par une épargne bien supérieure à l’investissement. Les facteurs qui y contribuent sont nombreux et variés: démographie et pyramide des âges; composition et répartition géographique de la main-d’œuvre dans le monde; inégalités; impact international des pays très peuplés d’Asie sur les salaires ainsi que l’emploi et intégration constante de nouvelles technologies qui font disparaître des postes en même temps qu’elles augmentent la capacité de production. Pour combattre les facteurs de stagnation, Larry Summers préconise de stimuler au maximum les économies en utilisant tous les instruments dont disposent les gouvernements.

Compatibles entre elles, ces quatre analyses sont toutes valables en cela qu’elles présentent un aspect particulier de la réalité économique mondiale. Toutes portent à croire, malheureusement, que la crise ne touche pas encore à sa fin, bien que certains pays montrent déjà des signes de redressement. Un constat principal se dégage de cette situation: désormais, les gouvernements paieront plus vite un plus lourd tribut à leurs erreurs sur le front économique. En outre, l’improvisation, le populisme ou les tentatives de bricolage sont illusoires et ne feront que prolonger la crise.