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Global Columns

Le populisme pour les nuls

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Bérengère Viennot

Le populisme n’est pas une idéologie: c’est une stratégie visant à obtenir et à conserver le pouvoir. Il existe depuis des siècles, mais ces derniers temps il refait surface avec une vigueur renouvelée, alimenté par internet et les frustrations de sociétés dépassées par les changements, une économie précaire et la menaçante insécurité d’un avenir incertain.

Si les dirigeants populistes et les pays qu’ils gouvernent ont chacun leurs particularités, les ingrédients sont partout les mêmes. Les stratégies du populisme mènent le jeu aujourd’hui dans la Russie de Vladimir Poutine et dans l’Amérique de Donald Trump, dans la Turquie de Recep Tayyip Erdogan et dans la Hongrie de Viktor Orban, et dans d’autres pays encore. Et tous ont en commun les mêmes tactiques:

1. Diviser pour régner

Les dirigeants populistes qui connaissent le plus de succès sont ceux qui sont passés maîtres dans l’art d’exacerber les divisions socioculturelles et les conflits politiques. Ils appuient sur les différences salariales, ethniques, religieuses, régionales, nationales et partout là où ça fait mal, de façon à exploiter les dissensions et à les canaliser vers des sentiments de colère et d’indignation politique. Les populistes n’ont pas peur de jouer avec le feu et d’attiser les conflits sociaux; au contraire, c’est ce qui les fait prospérer.

2. Amplifier les problèmes du pays

Exagérer la gravité de la situation de leur pays et amplifier ses problèmes est au cœur de la stratégie des populistes. Leur principal message est que tout ce qui a été fait par les administrations précédentes est néfaste, corrompu et inacceptable. Le pays a urgemment besoin de changements radicaux que seul le dirigeant populiste est capable de vraiment apporter. Dans son discours d’investiture, Donald Trump a évoqué le «carnage» qui se déroulait aux États-Unis et le fait qu’il avait hérité de Barack Obama une «situation chaotique» et une économie «désastreuse». À l’image de Vladimir Poutine en Russie, Recep Tayyip Erdoğan en Turquie et l'ex-présidente Cristina Kirchner en Argentine dépeignent toujours le passé immédiat de leur nation comme une catastrophe dont ils s’attachent à réparer les dégâts.

3. Criminaliser l'opposition

Quiconque s’oppose aux populistes n’est pas traité comme un citoyen ordinaire qui aurait des opinions différentes mais comme un traître qui ne mérite pas d’être écouté ni de jouir de l’intégralité de ses droits civiques. La criminalisation des rivaux politiques est une pratique courante chez les populistes et les autocrates. L’un des slogans les plus populaires à l’apogée de la campagne de Donald Trump était «lock her up», jetez-la en taule, une référence à la menace d’incarcérer Hillary Clinton. En Russie, en Turquie, en Egypte et au Venezuela, les menaces contre l’opposition vont bien souvent au-delà des simples slogans. Les chefs de file de l’opposition sont réellement emprisonnés, quand ils ne se font pas tuer.

4. Dénoncer le complot international

Le populisme a besoin d’ennemis extérieurs. Ce vieux truc reste malheureusement très efficace pour assurer des gains politiques à court terme, même s’il finit souvent dans la douleur. L’ennemi extérieur peut être un pays –pour le président Trump par exemple, c’est la Chine et le Mexique– mais aussi une religion, comme l’islam radical, ou un groupe, les immigrés. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a déclaré:

«L’immigration n’est pas une solution mais un problème. . . ce n’est pas un médicament, c’est un poison, nous n’en avons pas besoin et nous ne l’avalerons pas.»

Orban a réellement construit un mur pour empêcher les migrants de rentrer dans son pays. Pour Vladimir Poutine, les États-Unis et l’Occident tiraient les ficelles des «révolutions des couleurs» qui ont secoué l'Europe de l'Est et atteint les rues de Moscou en 2011. Poutine dénonce aussi régulièrement l’Otan.

5. Débusquer les ennemis étrangers

Les populistes accusent souvent leurs adversaires étrangers d'être des alliés de l’opposition nationale. Par exemple, le président turc a expliqué le coup d’État manqué de l’année dernière en l’imputant à Fethullah Gülen, un intellectuel musulman exilé aux États-Unis et très suivi en Turquie. À en croire Erdogan, le gouvernement américain a également joué un rôle de soutien à la tentative de putsch. Quand l’ambiance devient saumâtre pour les populistes chez eux, ils ont tendance à provoquer des conflits à l’étranger pour détourner l’attention. C’est d’ailleurs l’une des plus grandes menaces que représente Donald Trump en tant que commandant en chef de la force militaire la plus puissante de la planète.

6. Discréditer les experts

«Les gens de ce pays en ont soupé des experts», a réagi Michael Gove, défenseur du Brexit, face à un rapport rédigé collectivement par un groupe d’éminents économistes sur les coûts que le Royaume-Uni aurait à assumer s’il quittait l’Union européenne. Pour Donald Trump, les preuves irrévocables avancées par des milliers de scientifiques sont hors de propos dans le domaine du réchauffement climatique. Il soutient que cette idée est un complot ourdi par la Chine. Le président américain est également convaincu que l’autisme est provoqué par les vaccins et se soucie comme d’une guigne que cette hypothèse soit totalement discréditée.

7. Délégitimer les médias

Le mépris qu’éprouvent les populistes à l’égard de la science, des données et des experts n’est rien comparé au dégoût que leur inspirent les journalistes. Dans certains pays, cela peut valoir à ces derniers des emprisonnements, des passages à tabac et même des assassinats. Les scientifiques comme les journalistes obtiennent et étayent par des preuves documentaires des données et des faits qui entrent en conflit avec le fil narratif qui arrange le populiste. Dans ce cas, la meilleure solution est de disqualifier –ou d’éliminer– le messager.

Aucune de ces tactiques n’est nouvelle. Il n’empêche que leur résurgence actuelle a de quoi choquer dans un monde où la démocratie, l’éducation, les nouvelles technologies, les communications et le progrès social auraient dû formidablement entraver leur progression.