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Global Columns

Mansour Arbabsiar, le James Bond de Téhéran

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

Il s’appelle Mansour Arbabsiar. Pseudonyme: «le balafré». Au Texas, où il vécu trente ans, certains de ses amis le surnomment également «Jack». C’est l’un des James Bond de l’Iran.

Si Jack est l’agent 007 de Téhéran, alors Gholam Shakuri pourrait être l’agent 006. Ce dernier fait partie de la Force al-Qods, branche opérationnelle des Gardiens de la révolution iranienne. Quant à Abdul Reza Shahlai, c’est peut-être la doublure de Miss Moneypenny, la secrétaire de M –le patron de tous les espions– dans la saga James Bond.

Le gouvernement américain soutient que Jack a été contacté par Shahlai, son cousin par ailleurs haut placé au sein des Qods. Ils avaient échafaudé un superbe plan: éliminer l’ambassadeur saoudien à Washington; ils avaient déterminé que le meilleur moyen d’y arriver serait de poser une bombe dans un restaurant. Ils étaient parfaitement conscients que faire voler en éclats un restaurant washingtonien très fréquenté ferait de nombreuses victimes innocentes. Mais Jack aurait déclaré:

«Ce n’est pas grand-chose.»

Les bonnes idées du trio Jack-Gholam-Abdul Reza ne s’arrêtaient pas là. Ils ont choisi de sous-traiter la mission, en d’autres termes, l’assassinat, à Los Zetas, un cartel de la drogue mexicain. Après obtention du feu vert de Téhéran et une fois que l’argent eut été envoyé depuis une banque iranienne, le James Bond iranien est passé à l’action.

Il a recherché et trouvé un Mexicain disposé à travailler pour eux. Ils sont tombés d’accord sur le prix (1,5 million de dollars [un peu plus de 1 million d’euros]), ont validé le mode opératoire (poser une bombe), le calendrier (dès que possible) et évoqué d’autres contrats potentiels (faire sauter des ambassades à Washington et Buenos Aires, où l’Iran a déjà quelques expériences de ce type à son actif).

Mais il y a une chose que ces agents doubles de Téhéran n’avaient pas prévue: le «prestataire» mexicain opérait aussi pour le compte d’autres clients, notamment le gouvernement des Etats-Unis et, en particulier, la DEA (l’agence anti-drogue américaine) et le FBI.

Jack a donc été capturé. Les circonstances exactes de son arrestation font l’objet d’un document de 21 pages émanant du FBI –consultable sur Internet– et destiné à un juge de New York.

Une ruse américaine?

D’aucuns disent que cette accusation n’est qu’une nouvelle ruse de la part d’un pays qui a menti pour envahir l’Irak. C’est l’avis du Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei. A ses yeux, cette affaire a surgi parce que le mouvement de protestation Occupy Wall Street est sur le point d’en finir avec la Maison Blanche et le capitalisme:

«L’impitoyable gouvernement américain tentera de réprimer ce mouvement, mais il ne parviendra pas à l’arrêter. [Ses militants] continueront de progresser pour renverser le système capitaliste et l’Occident.»

Devant la répression féroce des policiers de New York, l’ayatollah est anxieux:

«Ils traitent les manifestants avec brutalité et d’une façon jamais vue même dans les pays sous-développés avec un régime dictatorial.»

(Je me demande à qui il peut bien faire référence.)

Pour le Guide suprême iranien, l’explication coule de source: Obama doit détourner l’attention internationale de l’imminent effondrement américain. Alors quoi de plus efficace que d’accuser le régime des mollahs, qui n’a jamais eu recours à la violence au sein ou dehors de son pays, de vouloir assassiner l’ambassadeur saoudien?

Quelle vérité se cache derrière cette affaire? Nous n’en saurons rien pendant quelque temps, bien que quelques éléments soient très clairs:

  • 1) A chaque fois que Washington a cherché des prétextes pour faire la guerre à un pays, le subterfuge a été mis au jour. Par conséquent, s’il s’agit là d’une nouvelle invention ou d’une extrapolation non fondée, le monde le découvrira bien assez tôt. Barack Obama sait qu’il pourrait être suicidaire de vouloir émuler George W. Bush.

  • 2) Les tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran, deux pays qui cherchent à accroître leur influence au Proche-Orient, ont atteint des niveaux sans précédent.

  • 3) Khamenei –qui contrôle l’unité al-Qods– et le président Ahmadinejad se livrent à une lutte sans merci.

  • 4) Les mauvaises politiques économiques et les sanctions internationales ont sévèrement frappé l’économie iranienne, ce qui exacerbe la crise politique interne.

  • 5) En période de tourmente, les idiots arrivent plus facilement à prendre des décisions majeures sans qu’elles ne soient vraiment remises en question.

  • 6) Le mouvement Occupy Wall Street ne pourra ni déboulonner Obama, ni mettre à bas l’Occident.