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Global Columns

Le futur patron du FMI est peut-être chinois

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

Il est fort probable que vous n'ayez jamais entendu parler de Zhu Min. Cet économiste chinois, jusqu'ici méconnu du grand public, pourrait ces prochaines années prendre des décisions qui pèseront sur vous et vos proches. Le Dr Zhu a, en effet, des chances d'être le prochain patron du Fonds monétaire international (FMI).

Un fonds implacable, mais salvateur

Le FMI a été créé en 1944 pour stabiliser le système financier mondial. Il compte aujourd'hui 184 pays membres et a le pouvoir d'imposer des conditions aux pays auxquels il apporte son soutien. Traditionnellement, ces pays étaient des Etats africains ou latino-américains. Mais aujourd'hui, ils n'ont plus le monopole de l'aide financière du Fonds: depuis la récente crise économique et financière mondiale, les pays européens leur font concurrence.

Cette institution internationale a joué un rôle crucial dans le sauvetage de la Grèce. Elle vient par ailleurs de publier un rapport accablant sur la situation économique de l'Espagne. Le FMI préconise l'adoption immédiate de «réformes profondes et complètes» qui prévoient notamment une réduction drastique des dépenses publiques, des assouplissements du marché de l'emploi jugé trop rigide et la restructuration du système bancaire dont «les risques restent élevés et inégalement répartis entre institutions (...)».

Le langage du FMI est technique, les réformes qu'il propose difficiles. Et l'impact de tels changements sur le niveau de vie des Espagnols sera immense. Les initiatives du Fonds en Lettonie, en Islande, en Hongrie et dans d'autres pays frappés par la crise sont du même ordre. Depuis 2007, c'est le socialiste français Dominique Strauss-Kahn qui tient les rênes du FMI. Ex-ministre de l'Economie, il se peut qu'il brigue un mandat présidentiel en France en 2012.

La direction du FMI sera-t-elle bientôt chinoise?

C'est justement en 2012 que s'achèvera le premier mandat de Strauss-Kahn à la tête du FMI. Mais s'il veut faire campagne dans son pays, il devra quitter ses fonctions bien avant. Le socialiste français a assuré qu'il comptait rester au FMI tout en précisant que, dans certaines circonstances, il «reconsidèrerait» la situation.

Evidemment, les «circonstances» en question impliquent qu'il soit considéré par le Parti socialiste (PS) français comme le candidat capable de battre Nicolas Sarkozy, et qu'il soit choisi pour porter le programme du PS. Tout cela reste de l'ordre de l'incertitude et de la spéculation. Cette hypothèse permettrait pourtant l'ascension de Zhu Min au sommet du FMI. D'ailleurs, le chinois a récemment démissionné de ses fonctions de numéro deux de la Banque centrale chinoise pour prendre un poste créé spécialement pour lui à Washington comme conseiller spécial de Strauss-Kahn.

La répartition du pouvoir dans le monde a bougé...

Aussi lointaine soit-elle, l'éventualité de voir Zhu Min accéder à la fonction de directeur général du FMI montre bien à quel point la répartition du pouvoir dans le monde a évolué. Jusqu'à récemment encore, il était inimaginable qu'un Chinois dont la candidature est présentée par son gouvernement –avec l'indispensable accord du Parti communiste chinois– puisse accéder aux commandes du FMI, le temple du capitalisme mondial. Aujourd'hui, ce qui serait inimaginable, c'est plutôt la lenteur de ce processus.

Qu'un Chinois dirige le FMI impliquerait la révocation d'un accord non officiel, mais jusqu'ici fermement imposé au reste du monde par les Etats-Unis et l'Europe. Aux termes de cet accord, la Banque mondiale (la seconde institution financière créée la même année que le FMI, en 1944) devait toujours être présidée par un Américain nommé par la Maison Blanche. Quant au FMI, son chef devait être européen. Des conditions qui reflètent l'ordre mondial qui prévalait immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, mais plus aujourd'hui.

...à cause de l'essor économique de la Chine

La Chine est le pays qui compte le plus de réserves mondiales d'or et de devises. Elle demeure le premier créancier des Etats-Unis, le premier exportateur mondial. En outre, elle est le principal client de nombreux pays. Cette gigantesque nation continue d'investir, d'échanger et de bénéficier d'une croissance économique enviable. Dans le même temps, les principales puissances économiques, en pleine stagnation, accusent des dettes et déficits énormes ainsi que des taux de chômage élevés.

Le FMI a besoin de l'argent, du soutien et du concours de la Chine. Et si le FMI pose ses conditions aux pays sollicitant son aide, pourquoi la Chine n'en ferait-elle pas autant?

Si Zhu Min devient le directeur général du FMI, le gouvernement chinois aura non seulement le contrôle des principales réserves monétaires mondiales, mais encore une grande influence sur la principale institution financière de la planète. Pour autant, Zhu Min ne sera pas un simple pantin manipulé par Pékin. Il est tout de même titulaire de prestigieux diplômes d'économie: un master de l'Université de Princeton et un doctorat obtenu à l'Université Johns-Hopkins. Il a par ailleurs occupé des postes haut placés qui font de lui un économiste chevronné. C'est dire si Zhu Min est une pointure.

Toujours est-il que le soutien de Pékin et du Parti communiste chinois serait un plus non négligeable. Zhu Min accèdera-t-il effectivement à la direction du FMI? Une chose est sûre, il fera encore parler de lui. Aussi, les règles du nouvel ordre financier mondial risquent d'être davantage fixées dans l'Empire du Milieu que dans la vieille Europe.