Le 11-Septembre a radicalisé les Etats-Unis
Andrea G
Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra
La première réaction des Etats-Unis a engendré les guerres d’Irak et d’Afghanistan et, plus généralement, la «guerre contre la terreur»; leur deuxième réaction a entraîné un considérable et coûteux effort de renforcement des frontières visant à protéger les Etats-Unis des attaques terroristes; le troisième type de réaction a consisté à tenter de comprendre pourquoi les attentats du 11 septembre 2001 avaient eu lieu, et à déterminer les mesures à prendre pour maîtriser les forces, motivations et impulsions qui ont abouti à la montée de l’islamisme anti-américain, si meurtrier. «Pourquoi est-ce qu’ils nous détestent?» est devenue une question récurrente chez les Américains.
Après les attentats contre les tours jumelles, les débats sur les origines de cette nouvelle menace et les solutions possibles, ont fait ressortir une proposition majeure: celle de mobiliser le «centre musulman»: les musulmans modérés disposés à prendre fermement position et à faire barrière à cette frange fanatique qui a pris en otage l’islam: al-Qaida, ses alliés et commanditaires. Faire des musulmans modérés les véritables représentants de l’islam, au niveau international et national, semble comme la condition sine qua non de la stabilité et de la sécurité dans le monde.
Porter les musulmans modérés aux responsabilités
Cette initiative est toujours d’actualité. Reste à savoir si, au Moyen-Orient, les révolutions du printemps arabe laisseront la place à des coalitions encore plus radicales et antioccidentales… Ou, à l’inverse, si elles feront émerger une nouvelle catégorie de notables musulmans, modérés. Des leaders et gouvernements qui se donnent pour réelle mission de combattre les inégalités, l’injustice, et de développer l’économie de leur pays.
Dix ans après le 11-Septembre, un autre groupe de personnes modérées a un rôle crucial à jouer dans la stabilité du monde. Un groupe de responsables capables de retrouver l’influence politique passée aux mains des extrémistes de leur propre camp. Je fais allusion aux membres modérés du Parti républicain des Etats-Unis. La communauté internationale a autant besoin d’eux que des chefs musulmans progressistes.
Les récents événements qui ont secoué les Etats-Unis –les négociations sur le plafond de la dette et les propositions radicales (de certains responsables politiques qui briguent la présidence en 2012) sur le rôle du gouvernement américain, la science, l’insécurité, le climat, la sécurité sociale et d’autres dossiers essentiels– montrent une chose: il est urgent que des républicains rationnels et plus progressistes reviennent sur le devant de la scène politique.
Les républicains radicaux, un danger pour le monde
Les islamistes décidés à imposer aux autres leur vision largement déformée d’une des trois religions du livre représentent un danger certain.
Mais que dire d’un groupe de politiciens américains pour qui les théories de Darwin, de Keynes et d’une immense majorité de climatologues du monde entier ne sont qu’une vaste supercherie? Que penser de gens qui considèrent la sécurité sociale américaine comme une chaîne de Ponzi qu’il faudrait supprimer ou prônent l’abstinence comme solution idéale au problème des mères adolescentes?
De toute évidence, les républicains radicaux (y compris les membres du Tea Party) ne partagent pas les penchants meurtriers et nihilistes d’al-Qaida ou d’organisations terroristes similaires. Elles tuent des innocents; ce n’est pas le cas des ultra-républicains.
Par ailleurs, si les islamistes extrémistes cherchent à instaurer un régime totalitaire, les républicains radicaux évoluent au sein de la démocratie participative américaine –avec son suffrage universel, sa séparation des pouvoirs et sa «compétition politique ouverte», autant de principes qui jouent un rôle fondamental.
Les limites de la démocratie: la montée du radicalisme
Mais c’est précisément ce système qui a permis aux républicains radicaux d’acquérir une telle influence sur les politiques et actions du pays le plus puissant au monde. Ils ont saboté un grand plan de relance qui aurait pu remettre l’économie américaine sur pieds et restaurer la confiance dans le dollar, et s’opposent à un programme pour l’emploi, condamnant de fait les Etats-Unis à une double récession. Ils versent dans l’isolationnisme et, et à leur façon, ont une approche de la religion aussi intégriste que certains extrémistes musulmans. A leur façon, ils mettent en péril le monde.
Il y a donc deux urgences: d’une part, la responsabilisation et la mobilisation des musulmans modérés et, d’autre part, celles des républicains modérés. Ceux capables de s’affirmer sur l’échiquier politique et, au travers des processus démocratiques, de contrecarrer les projets radicaux de certains ultras.
Les islamistes, au même titre que les Tea Partiers, défendent des valeurs, des stratégies et des programmes dans lesquels la majorité des communautés qu’ils disent représenter ne se reconnaît pas. Tous les sondages le montrent.
Nous sommes ici en face d’un problème de dimension internationale, qui va bien au-delà de la pure politique américaine. La commémoration des attentats du 11 septembre 2001, al-Qaida, et le Tea Party sont au cœur de l’actualité. Et pour cause, les réflexions et actions auxquelles ils donnent lieu ont des conséquences qui nous concernent tous.