Etats, coopérez plus et mieux!
Andrea G
Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra
L'Europe est toujours en proie à une grande crise économique, la Syrie connaît une guerre civile et le changement climatique continue de progresser. Dans les trois cas, personne ne semble en mesure d’y mettre un terme. Pourquoi?
Tout d’abord, ces trois dossiers représentent une dangereuse catégorie de défis auxquels le monde entier est confronté. Ils requièrent l’intervention de divers Etats, qui puissent agir de conserve. Car aucun pays, pas même une superpuissance, ne peut les résoudre à lui seul.
En outre, ces problèmes sont d’autant plus complexes que la capacité des pays à s’accorder et à coopérer a tendance à diminuer, tandis que les problèmes qui méritent une action concertée se multiplient à un rythme rapide. La technologie et les autres facteurs de mondialisation créent des liens indissolubles entre les sociétés. Ces interdépendances engendrent un nombre croissant de problèmes qu’un pays seul ne saurait résoudre.
Alors que les problèmes d’aujourd’hui ont acquis une ampleur mondiale, les accords politiques nécessaires pour les surmonter demeurent plus locaux que jamais. Les gouvernements peinent à déployer des moyens pour s’attaquer à des problèmes qui dépassent leurs frontières et à travailler avec d’autres Etats dans ce sens. Pourtant, leurs citoyens continuent d’en faire les frais.
Les Bric ont obtenu le pouvoir d'exiger
Le visage de la politique internationale s’est transformé, de sorte qu’il sape aujourd’hui la capacité d’action de la communauté internationale. Aussi vrai que le nombre de participants autour des tables de négociation augmente –ainsi que leurs intérêts–, les espaces pour la concertation et les actions concertées se réduisent.
Les puissances émergentes à l’image des pays du groupe Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine), de nouvelles alliances de pays et d’acteurs non gouvernementaux (fondations, églises, militants sociaux ou entreprises privées) qui étaient autrefois ignorés occupent désormais le devant de la scène. Ils ont acquis le pouvoir d’exiger que leur voix soit entendue et leurs intérêts représentés dans les négociations internationales portant sur la gestion des problèmes planétaires.
Inévitablement, lorsque tous ces intérêts divergents voire contradictoires sont pris en compte dans les négociations, les textes qui en ressortent reflètent le plus petit dénominateur commun nécessaire à l’obtention d’un accord. Lequel accord, étant acceptable pour tous, manque généralement de la force nécessaire pour permettre de traiter les dossiers en profondeur.
De fait, les accords internationaux conformément auxquels un grand nombre de pays poursuit des objectifs communs sont de plus en plus rares. Vous souvenez-vous de la dernière fois où une grande majorité des Etats du monde est parvenue à un dispositif aux implications concrètes?
C’était il y a 13 ans, lorsque l’ONU a fixé les Objectifs du Millénaire pour le développement. Depuis, la quasi-totalité des sommets internationaux produit de bien maigres résultats, en particulier ceux consacrés à la libéralisation du commerce ou au réchauffement climatique.
Ce décalage entre l’urgence grandissante d’une action internationale conjointe et la capacité amoindrie des Etats à mener des actions collectives coordonnées constitue l’un des plus dangereux déficits.
Une crise de l'offre et la demande
En économie, lorsque la demande est supérieure à l’offre, les prix grimpent. En géopolitique, l’incapacité des pays à satisfaire la demande de solutions aux problèmes transfrontaliers engendre une dangereuse instabilité: les crises financières ou de santé publique qui se propagent sur tout le globe à grande vitesse, la surpêche, la destruction des forêts tropicales, la piraterie qui sévit au large des côtes somaliennes, la prolifération nucléaire ne sont que quelques-uns des problèmes bien connus qui ne feront que s’aggraver en l’absence d’une plus grande et d’une meilleure coopération internationale.
Alors, que faire? Il existe de nombreuses propositions pour refonder la gouvernance internationale, notamment par la réforme des institutions existantes ou la création de nouvelles instances.
Les idées portant sur les moyens de s’attaquer aux problèmes mondiaux ne manquent pas non plus. Ce qui manque, c’est la capacité à mener à bien les changements et à mettre en pratique ces nouvelles idées. Or elle ne découlera ni des sommets de chefs d’Etat, ni des réunions d’intellectuels, ni des discours passionnés.
Les pays pourront mieux relever les défis internationaux le jour où leurs citoyens confèreront à leur gouvernement le pouvoir et la responsabilité de le faire. Car leurs conséquences, aussi lointaines paraissent-elles, finiront tôt ou tard par se faire ressentir dans tous les foyers, quelle que soit leur situation géographique.
Aujourd’hui, nous sommes tous voisins. Même lorsqu’un océan nous sépare.