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Global Columns

Cinq idées mortes pour 2011

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

Puisqu’il s’agit de ma dernière chronique de 2011, il est de circonstance de passer en revue quelques éléments parmi les plus marquants de l’année bientôt écoulée.

Sans reprendre les grandes actualités, je me propose d’identifier cinq idées mises à mal par les événements de ces douze derniers mois.

1 L’inégalité, c’est normal et inévitable

Les inégalités économiques et l’injustice sociale existent depuis toujours et continueront d’exister. Mais depuis cette année, l’idée selon laquelle les disparités sont inévitables et qu’il faut les tolérer est fortement contestée.

La crise économique qui a frappé l’Europe et les Etats-Unis a mis en lumière un phénomène existant, mais qui n’avait jusqu’ici jamais revêtu un tel caractère politique: une petite minorité est trop riche et une immense majorité est trop pauvre.

Rien de nouveau, si ce n’est que désormais, les chiffres des inégalités sont dans les esprits de tous. Et comme nous l’a rappelé Mohamed Bouazizi, le jeune vendeur de fruits ambulant qui s’est immolé dans un petit village tunisien, cette nouvelle forme de protestation ne vise plus seulement les disparités économiques.

Aujourd’hui, les peuples dénoncent également l’injustice et les traitements indignes. Tuant l’idée selon laquelle leur avenir était destiné à ressembler à leur passé, des millions d’Arabes sont descendus dans les rues pour déboulonner leur dictateur respectif. Même si les inégalités et l’injustice ne sont pas près de disparaître, en 2011, il était particulièrement difficile de défendre cet état de fait.

2 Les dirigeants, les érudits et les riches méritent notre respect

Cette année, les politiques, les économistes et les riches ont vu leur image écornée. Nous avons découvert que de nombreux gouvernants n’ont pas le pouvoir –ou la capacité– de prendre des décisions cruciales.

Chaque prix Nobel d’économie a sa propre explication de la crise et propose des solutions différentes de celles de ses homologues.Les riches (entreprises et particuliers) qui ont contribué à la crise tirent peu de conséquences de leurs actes.

La légitimité des gouvernants, des spécialistes et des chefs d’entreprise en a pris un sacré coup. Ils ne font plus autorité aux yeux de l’opinion, qui ne leur fait plus confiance. Or, la légitimité et la crédibilité sont la condition sine qua non de l’autorité.

3 Les guerres politiques passent après les problèmes concrets

Aux Etats-Unis, l’incapacité des républicains et des démocrates à se mettre d’accord sur les dossiers brûlants en est peut-être l’exemple le plus éloquent.

Mais la crise européenne s’est également aggravée en raison de l’aveuglement des partis et dirigeants politiques. Le conflit qui caractérise la relation entre le gouvernement et l’opposition en Italie, en Espagne ou en Belgique est tout à fait comparable à celui qui engourdit la superpuissance.

C’est un phénomène de portée internationale. De la Thaïlande au Japon en passant par le Portugal, l’Inde, l’Afrique du Sud ou encore le Mexique, la polarisation de la politique paralyse le monde.

Cela fait quelque temps déjà que l’idée selon laquelle il existe des intérêts nationaux qui doivent primer sur les ambitions électorales est mise à mal. Sur ce point, 2011 est synonyme de continuité.

L’environnement est une question prioritaire

Il est temps d’agir avec fermeté pour éviter que la planète ne devienne invivable à cause d’un réchauffement non maîtrisé: voilà un objectif qui n’est plus à l’ordre du jour.

Il n’a pas survécu à une série d’événements: crises économiques, krach financier, hausse du chômage, échecs successifs de résolution de la crise, assassinat de Ben Laden, printemps arabe, surmédiatisation de Justin Bieber…

Mais bien qu’elle ne figure pas sur la liste des priorités mondiales, l’état de santé de la planète va de mal en pis: les données les plus récentes, précises et incontestables, montrent que la température moyenne à la surface du globe a augmenté de 1 degré Celsius en l’espace des cinquante dernières années!

Ce réchauffement est plus rapide et plus grave que ce que les scientifiques prévoyaient. En 2011, hélas, on a peu à peu relégué au second plan la prise de mesures sérieuses pour combattre le changement climatique.

5 Mieux vaut ne pas avoir de bombe atomique

En 2011, les despotes du monde entier ont assisté à la fin de Mouammar Kadhafi et à la survie de son homologue asiatique, le nord-coréen Kim Jong-Il.

Le premier avait renoncé à l’objectif de se doter d’un arsenal nucléaire, tandis que le second tient bec et ongles à ses bombes atomiques, qu’importe si son peuple meurt de faim.

Au cas où ils auraient eu des doutes, le sort fatal de Kadhafi est venu confirmer aux dictateurs que pour se maintenir au pouvoir, mieux vaut disposer d’armes nucléaires, afin de se protéger de l’intervention internationale, et pouvoir compter sur une armée de mercenaire pour réprimer les soulèvements populaires.

Voilà une liste très personnelle et, de toute évidence, non exhaustive. D’autres idées ou idéologies terminent mal l’année: celles d’al-Qaida et ou du socialisme du XXIe siècle à la Hugo Chávez; la théorie qui préconise l’application d’une stricte et totale interdiction pour lutter contre la consommation de drogue ou encore les propositions du Tea Party aux Etats-Unis.

Les exemples sont légion. Je vous invite donc en proposer et à en débattre sur Twitter (en anglais ou en espagnol). En attendant de vous retrouver en janvier, je vous souhaite une très belle année 2012.