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Global Columns

Bachar el-Assad: «Et maintenant, je fais quoi?»

Andrea G

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

On parle plus des options dont disposent les démocraties du monde pour stopper le massacre en Syrie que des possibilités qui restent à Bachar el-Assad. Le tyran syrien doit certainement se poser cette question au quotidien: «qu’est-ce que je fais?»

Je l’imagine réfléchissant aux différents scénarios tout en contemplant deux photos datant de l’année dernière. Celle de sa magnifique épouse, Asma, dans un élogieux reportage sur elle publié dans le magazine Vogue. Et celle du cadavre de Mouammar Kadhafi.

La première lui rappelle une vie et des réalités qui ne sont plus. La seconde représente un sort qui pourrait bien finir par être le sien. L’espoir – symbolisé par l’article de Vogue – qu’el-Assad puisse réformer une dictature brutale dont il a hérité de son père s’est évaporé. Entièrement. Cette porte s’est refermée sur les milliers d’innocents qui ont péri aux mains du régime syrien. Quelles autres portes restent encore ouvertes pour el-Assad?

Massacrer?

El-Assad peut poursuivre dans sa dynamique actuelle: tuer les insurgés et leur famille. C’est ce qu’a tenté de faire Kadhafi, avant d’être stoppé par l’OTAN. El-Assad sait que les puissances occidentales n’interviendront pas militairement en Syrie. Et à chaque fois qu’elles prennent de nouvelles sanctions contre son pays, les massacres reprennent de plus belle. Le dirigeant syrien sait toutefois que la répression à elle seule n’est pas une issue et qu’il ne peut pas continuer éternellement. Il y a trop de pays qui arment et soutiennent les insurgés, dont le nombre augmente chaque jour un peu plus. A tout moment, même les forces qui lui sont loyales risquent de se retourner contre lui. Y compris la Chine et la Russie. Massacrer ce n’est pas suffisant.

Négocier?

Oui, mais avec qui? L’opposition est un amalgame changeant de groupes non coordonnés dont le seul dénominateur commun est cette volonté inébranlable de renverser el-Assad. L’autre possibilité serait de négocier avec les étrangers: l’ONU, la Ligue arabe, l’UE, les Etats-Unis, etc... Le dictateur pourrait promettre, en échange d’une médiation internationale (par l’envoi de casques bleus?) de mener une série de réformes qui impliquent de céder une partie du pouvoir. Mais il serait naïf de supposer que des pays étrangers ou des organisations étrangères lui feraient confiance ou n’exigeraient pas de solides garanties. Même Bachar el-Assad en est conscient. Il sait que renoncer à une part de pouvoir, c’est accroître le risque de le perdre entièrement (voir Hosni Moubarak). Le refus obstiné de Kadhafi de faire des concessions se fondait, du reste, sur cette conviction à propos du pouvoir. Mais le leader syrien s’est-il posé cette question: si Kadhafi avait su où le conduirait cette intransigeance, aurait-il fait autrement? Au final, Kadhafi et ses fils ont désespérément cherché à négocier une trêve qui leur aurait permis de rester au pouvoir, même de manière plus limitée. Mais il était trop tard. Les événements en Libye ont montré qu’il faut négocier avant d’être vaincu. La leçon de l’Egypte, de la Tunisie et du Yémen, c’est que dans les régimes autoritaires, le partage du pouvoir – aussi minime soit-il – n’existe pas. C’est tout ou rien.

Fuir?

L’exil vaut mieux que la mort. Ou que la prison. C’est ce que doivent se dire, entre autres, les familles Moubarak, Hussein et Kadhafi. Il ne fait pas de doute qu’en ce moment Jean-Claude Duvalier, dit Baby Doc, jouit d’une meilleure qualité de vie que Saïf al-Islam Kadhafi, le fils du défunt dictateur. Cette idée a certainement dû effleurer la famille el-Assad.

Mais où aller? En Europe, la Cour pénale internationale les attend de pied ferme, tout comme des centaines d’organisations qui ont constitué des dossiers sur les atrocités commises par Bachar el-Assad et ses affidés. L’Iran serait une autre possibilité. Ou pourquoi pas la Chine ou la Russie?

Seulement voilà, qui d’autre devrait embarquer pour l’exil? Le frère du président syrien est aux commandes de la machine répressive du régime. Quant à sa sœur, elle a la réputation d’être une fervente de la ligne dure. Et puis il y a les généraux, les chefs des organes de sécurité, les partenaires et autres collaborateurs de Bachar el-Assad. Et, enfin, les membres de sa famille. D’ailleurs, l’une des rumeurs plausibles qui courent est que, de crainte que le président el-Assad n’opte pour l’exil, ses proches ont mis en place un réseau efficace qui l’empêcherait de voyager.

La fin de la dynastie sanguinaire en Syrie se fait de plus en plus proche, mais nul ne peut dire si c’est une affaire de jours, de semaines ou de mois. Les options de Bachar el-Assad s’amenuisent et sont mauvaises. S’il est vrai que certains grands leaders parviennent à ouvrir de nouvelles voies vers des issues insoupçonnées, Bachar el-Assad ne fait pas partie de cette catégorie de dirigeants.

Il nous reste peut-être à espérer que son épouse qui, avant les massacres perpétrés par le régime syrien, avait été présentée par Paris Match comme la «lumière dans un pays plein de zones d’ombre», puisse éclairer un chemin qui sauve des milliers de vie, dont celle de son mari.