Moisés Naím

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En Amérique du Sud, l’expression d’un brutal désenchantement des classes moyennes

Par Nicolas Bourcier et Angeline Montoya / Le Monde

Le dernier exemple en date remonte au 21 novembre. Ce jour-là, les syndicats, les mouvements étudiants et indiens, les partis d’opposition et défenseurs de la paix colombiens avaient appelé à manifester contre un projet de réforme du droit du travail et du système des retraites. L’étincelle s’est transformée en brasier géant. En quelques heures, plusieurs centaines de milliers de personnes ont envahi les rues du pays, conspuant les élites politiques dans une sorte de gigantesque ras-le-bol. Comme si ce pays d’habitude si austère était devenu à son tour un miroir de l’Amérique latine, un des chaudrons d’un continent déjà en pleine ébullition.

A chaque pays sa contagion. Bolivie, Chili, Colombie, Equateur, Haïti, Honduras, Nicaragua, Venezuela : les vagues de protestation défilent au gré des revendications et des réponses ou des blocages des autorités. A première vue, il est évidemment difficile de donner une seule explication à ces convulsions sociales inédites. Les circonstances sont différentes, les contextes nationaux éminemment singuliers. Il n’empêche. Les pays d’Amérique latine renvoient, à chaque fois, une toile de fond identique : un ralentissement global de l’économie, un accroissement des inégalités sociales et une crise du système politique.

De fait, ils ont en commun des problèmes structurels de longue date. Déjà en 2001 et 2002, la crise économique et sociale avait poussé des millions d’Argentins à battre le pavé. En 2011, des dizaines de milliers d’étudiants chiliens ont exigé un meilleur accès à l’enseignement. Deux ans plus tard, les Brésiliens se sont levés contre l’augmentation des tarifs des transports publics et la gabegie des travaux pour la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques à venir. Mais, à chaque fois, la propagation des mouvements a été contenue par l’appareil répressif de l’Etat ou des mesures cosmétiques destinées à calmer les contestataires, voire les deux.

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