Moisés Naím

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Les Américains ont tort, tout n'est pas de la faute d'Obama

Slate / Moisés Naím et traduit par Micha Cziffra

Les Américains considèrent le président américain comme le responsable de la mauvaise situation économique, de l'aggravation des inégalités et du fait que les Vladimir Poutine et autres Bachar el-Assad se sentent plus puissants depuis qu'ils ont vu qu'ils pouvaient agir comme bon leur semble, ou presque, sans que les Etats-Unis ne leur apprennent, ainsi qu'au reste du monde, qu'on ne joue pas avec une superpuissance.

La liste des fautes que l'on impute à Obama est longue et variée. Le patron de la Maison Blanche a même réussi un exploit: mettre d'accord démocrates et républicains sur le fait qu'il est à l'origine des piètres résultats des élections législatives de mi-mandat. Les républicains ont obtenu une victoire inédite depuis 1931. Certains responsables du Parti démocrate et bon nombre de candidats défaits au scrutin ont publiquement reproché à la Maison Blanche d'avoir largement contribué à leur dérouillée électorale. Les républicains abondent totalement dans ce sens.

Qu'est-il arrivé à Obama? Comment un leader qui accède à la présidence en portant autant d'espoirs et en bénéficiant d'un énorme soutien aux Etats-Unis et à l'étranger, peut-il finir par être si mal vu?

Selon des sondages réalisés à la sortie des urnes, 60% des électeurs qui se sont exprimés le 4 novembre pensent du mal de leur gouvernement. Les motifs invoqués pour expliquer qu'Obama n'a pas assumé le rôle que la population attendait sont aussi divers que les critiques exprimées à l'égard de son action politique.

On peut classer dans quatre catégories les reproches le plus souvent formulés par les détracteurs d'Obama.

Inexpérience

«Sa carrière fulgurante ne lui a pas permis de se préparer à la présidence. De simple "leader communautaire" officiant dans les quartiers pauvres de Chicago, Obama est passé à la politique au niveau local, puis il est rapidement devenu sénateur avant d'être, à peine trois ans plus tard, candidat à la présidence et d'accéder à la Maison Blanche.»

Ses adversaires l'accusent d'être un homme politique incompétent, de ne pas savoir créer d'alliances, ni trouver les compromis nécessaires avec ses opposants. Ils lui reprochent aussi d'être un mauvais gouvernant qui gère la présidence d'une manière pernicieusement centralisée.

Personnalité

«Obama est un intellectuel renfermé et de tempérament distant. Il a donc des difficultés pour nouer des relations fructueuses avec ses collaborateurs, avec les responsables de son parti ou d'autres dirigeants internationaux à qui il a affaire. Sans parler de ses opposants, qu'il méprise.»

Une version extrémiste de cette critique consiste à expliquer qu'Obama souffre de problèmes psychologiques qui le démotivent et sapent son efficacité.

Idéologie

Le président Obama est un idéologue invétéré qui veut imposer au pays un programme incompatible avec les préférences de la majorité des Américains. Obama est étatiste, isolationniste et gaspilleur. Il privilégie le secteur public par rapport au privé et ses politiques ont tendance à donner plus d'importance à l'Etat.

Sur le plan international, il se montre timide et réticent. Obama a le sentiment que son armée ne doit intervenir que dans les conflits internationaux qui nuisent directement aux intérêts des Etats-Unis. «Les dépenses publiques ont explosé sous sa présidence», affirment en outre ses adversaires.

Anti-américanisme

«En réalité, Barack Obama est né au Kenya. C'est un musulman qui ne dit pas son nom et son ascension jusqu'à la Maison Blanche fait partie d'une conspiration réussie des ennemis de l'Amérique visant à affaiblir le pays.»

Ces allégations-là peuvent paraître extravagantes voire totalement délirantes. Mais il est surprenant de voir à quel point elles sont fortement enracinées dans les cercles les plus radicaux de l'opposition –qui dégagent dans de nombreux cas des relents plus ou moins évidents de racisme. De ce point de vue, les erreurs, défauts, omissions et limites présumés de l'action politique d'Obama à la Maison Blanche sont le fruit d'une stratégie délibérée du président.

Je ne partage personnellement aucune de ces critiques. On ne peut pas nier que le président Obama et son gouvernement ont commis des erreurs, mais je soutiens que bon nombre des critiques honnêtes (celles qui n'obéissent pas à des intérêts partisans, économiques, idéologiques ou à des réactions irrationnelles) se fondent sur des hypothèses qui surestiment le pouvoir dont jouit aujourd'hui le président des Etats-Unis. Obama ou un autre.

Je crois que les preuves abondent pour montrer que l'administration américaine est aujourd'hui confrontée à des limites sans précédent qui l'empêchent d'influer sur les réalités à l'intérieur et en dehors de ses frontières. Tous les autres Etats du monde ne sont guère plus épargnés par ce phénomène. Le problème, ce n'est pas Obama.